L’an dernier, avec mes camarades de Solidarité Québec-Haïti, j’abordais l’arrivée de 2020 avec un brin d’optimisme et, phénomène rare, je présentais de sincères félicitations à Radio-Canada pour un reportage sur la situation politique haïtienne.
Avant de partager avec vous mon état d’esprit actuel, souffrez encore ce bref rappel de «Peyi Lòk et Haïti sous influence», cet effort remarquable de l’émission Enquête.
L’excellent reportage de Radio-Canada m’avait réellement surpris. De mémoire, ce fut la première fois que le diffuseur public produisait une analyse de le situation politique haïtienne où se sont les voix haïtiennes qui y sont dominantes et cohérentes. Dans la première partie du reportage, Enquête offre un temps important aux jeunes Pétro Challengers de différentes couches sociales du pays. La couverture des discussions au Champ de Mars de Port-au-Prince m’a particulièrement impressionnée.
Pour la deuxième partie, idem. J’ai surtout apprécié la participation de Denis Paradis et les questions pertinentes du journaliste Luc Chartrand. C’est dommage qu’ils n’aient pas diffusé la citation de Denis Paradis par Michel Vastel selon laquelle M. Paradis décrivit une hypothétique population de 20 millions d’Haïtiens en 2019 comme une “bombe à retardement” qu’il faille absolument désamorcer. Ceci aurait aidé les gens à comprendre mon commentaire là-dessus (vers la fin de l’émission – voir 03:57 de l’extrait ci-bas ou 38:13 de la version complète postée sur Youtube).
En effet, selon Vastel, justifiant l’initiative de ses collègues (tous blancs!) qui s’étaient octroyé le droit de comploter le renversement du gouvernement légitime d’Haiti en 2003 et de le réaliser l’an d’après, l’ancien ministre Denis Paradis aurait sonné l’alarme du fait que, selon ses prévisions, la population d’Haïti risquerait d’atteindre 20 millions en 2019.
Monsieur Paradis aurait déclaré que ces millions d’enfants, femmes et hommes représentent: “une bombe à retardement” qu’il faille absolument désamorcer.
Libre à monsieur Paradis d’expliquer les phrases à lui attribuées par feu le journaliste Michel Vastel dans son article publié en mars 2003. Moi, je sais pourquoi cette phrase me donne la chair de poule à chaque relecture.
Nous, fils et filles d’Afrique, survivants de la MAAFA, ne savons que trop bien la «valeur» accordée à nos vies par certaines personnes influentes de ce monde à la dérive. Les massacres de noirs sur ce continent américain, les génocides perpétrés par les Européens partout en Afrique, dont celui des Hereros par les Allemands, les expériences terribles de l’odieux James Marion Sims, des inoculateurs de Syphilis aux noirs de Tuskegee…nous en sommes informés.
La question est de savoir si, aujourd’hui, les décideurs auto-proclamés sont désormais satisfaits de leurs œuvres en Haïti. La bombe de Paradis a-t-elle été désamorcée, à satisfaction?
Et si enfin, ces millions de cerveaux humains étaient reconnus pour les perles rares qu’ils sont?
Et si, au lieu de voir chaque homme/femme noir.e comme une “menace”, les héritiers du crime colonial, apprenaient à devenir humains, intelligents et rationnels, enfin!
Non! Nous ne sommes pas des “bombes à retardement”, maudite bande de retardés!
Nous sommes vos semblables, vos frères, vos sœurs…qui avons allaité vos grands parents involontairement et, quelques fois, volontairement.
Si vous êtes vivants et enrichis aujourd’hui, c’est grâce à nous!
Monsieur Paradis, je ne vous tiens pas rancœur mais je vous tiens rigueur. Je dis cette vérité qui effraie, qui fait baisser la tête à certains, non pas pour vous diminuer ou vous humilier mais pour que cessent enfin les massacres des miens en Haïti.
Non, nous ne sommes pas une menace. Au contraire, nous sommes votre meilleure opportunité de rédemption et de paix véritable.
Prenez donc le téléphone, appelez vos amis au sein du gouvernement et dites-leur: “monsieur Saint-Vil dit vrai au sujet de l’Initiative d’Ottawa sur Haïti. Celle-là nous l’avons fucké ben raide et je m’en excuse sincèrement…Faut retirer le Canada du Core Group et enfin laisser les Haïtiens diriger leur pays en paix, y compris l’exploitation de leur réserve d’or, selon les normes environnementales qu’ils auront eux-mêmes adoptées”.
Vous pouvez utiliser vos propres mots. Mais, de grâce, devenez courageux enfin et avouez!
Voyez aussi: Recoloniser Haiti avant 2004?” et Roots of Black Lives Matter in Bwa Kay Iman, Haiti